Lettre ouverte de Yano Las
Pauvre écrit, Ecrit pauvre
Affalée sur mon sofa, je regardais une émission à la télévision sur les " working poor " ces hommes et ces femmes qui travaillent beaucoup pour gagner peu.
Les langues se délient, les histoires se succèdent à la fois différentes et similaires, les témoignages abondent, poignants, tragiques, bouleversants.
"Je suis née pauvre, disait une femme : pauvre de nom, pauvre de sang, pauvre d’amour, pauvre d’argent, pauvre d’amis ou de fratrie, pauvre de tout. Pauvre partout." Pour tout vous dire...
Aimants et dévoués, mes parents ne cessaient de me dire qu’il fallait réussir mes études, pour construire ma vie, assurer mon avenir. Cela allait jusqu’à l’obsession parfois : ils voulaient que je m’assoie à la première table, au premier rang en classe, alors que je n’avais même pas de problème de vue. L’important c’est d’être première en tout, première partout. Première c’est tout.
Parents pauvres, amour de parents !
Se privant de tout, ils m’offrirent les plus beaux cahiers, un cartable neuf à chaque rentrée, une belle trousse garnie de jolis stylos colorés, les plus beaux habits qu’ils pouvaient m’offrir.
Avec nos maigres moyens, j’ai travaillé d’arrache pied pour leur faire plaisir et apprendre un métier, obtenir un diplôme, devenir quelqu’un ou quelque chose un jour.
Mais mon sésame ne m’ouvrit pas pour autant les portes de l’avenir comme je l’escomptais, ne me permit pas d’entrer dans le monde du travail dans lequel on ne réussit que grâce aux relations.
J’ai donc enchaîné des petits boulots avant de me lancer définitivement dans l’écriture. Je viens de finir mon premier roman : Succès interdit. Journal d’une chômeuse professionnelle ».
Des questions m’assaillirent.
Pourquoi écrire ?
Ecrire : passion ou métier ? Loisir des riches ou luxe des pauvres ?
Lire, parler, écrire : est-ce la richesse du pauvre ou l’arme des faibles ?
D’aucuns diraient que la richesse du pauvre, c’est Dieu.
L’arme des faibles, c’est aussi Dieu.
D’autres diront que lire et écrire c’est le luxe des pauvres ;
leur arme c’est la révolte
Mais, que nous écrivions des romans, des nouvelles, des récits, des essais, des poèmes ; que ces écrits appartiennent au genre sentimental, aventure, science fiction, fantastique, qu'est-ce qui nous pousse, nous motive à écrire ?
Ya t-il une écriture de la richesse et une écriture de la pauvreté puisque comme le dit Jean d’Ormesson : écrire, c’est inventer avec des souvenirs ?
Mais qu’importent les vécus, les histoires, puisque dans tous les cas :
Ecrire c’est raconter la solitude dans laquelle on vit, sa précarité, ses problèmes, ses solutions.
Ecrire c’est inviter à réfléchir, à faire son chemin dans la pensée, se laisser innerver par elle, afin d’être moins naïf.
Écrire c’est commencer à répondre intelligemment, rigoureusement, aux questions que le monde nous pose et impose. La seule liberté qui nous reste est de dire et d'écrire notre vérité.
Mon écriture à moi est toute récente. Spontanée, émotionnelle, elle s’exprime le plus souvent de manière imagée et poétique
C’est donc avec ces pauvres rimes que je voudrais rendre hommage
à tous ces êtres si riches en pleurs, en larmes et bleu à l’âme.
Dans une bulle de silence
Remplie de souffrance
Les soucis se drapent d’éloquence
Le vide s’affranchit d’élégance
Trop fatigué par trop quêtes
Trop affalé sur sa banquète
A la vie écrit une requête
Un récit tel une conquête
Il marche vite ou court toujours
Le temps le nargue, lui joue des tours
Il voudrait être riche un jour
Non pas pauvre, pauvre toujours !
« Il y a des auteurs qui écrivent avec de la lumière, d'autres avec du sang, avec de la lave, avec du feu, avec de la terre, avec de la boue, avec de la poudre de diamant et ceux qui écrivent avec de l'encre. Les malheureux, avec de l'encre simplement. »
(Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord).
Pauvre écrit, Ecrit pauvre © Yano Las
octobre 2011 pour Frenchwritersworldwide.com
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