Elle le rencontra sur son lieu de travail, à la cafétéria.
Mr tout le monde était fonctionnaire administratif. Poli, correct, de ces hommes qui ne commettront jamais aucun écart de langage,de conduite.
Ils étaient donc collègues mais pas dans le même département.
Comme d'habitude l'islam devient vite le sujet central de la conversation, plus inquisiteur, que curieux
Comme toujours, en bonne musulmane, elle se retrouva vite en position défensive, son argumentation préférée.
Couscous royal ou thé à la menthe? Il était plutôt thé. Et pour cause, il était allergique au café.
Mr tout le monde est du genre distant, hautain et réservé.
Ils se croisèrent quelques fois, lors de meeting ou autres sans affinités particulières, sans soucis majeurs, sans réelle conversation.
Et la crise financière tomba.
Monsieur fut mis au chômage partiel et elle continua son travail de communication.
Le personnel étant réduit de presque moitié, les survivants devaient travailler deux fois plus, deux fois plus vite, voire même se lancer dans des activités nouvelles. C'est au cours d'une de ces nouvelles activité, qu'elles se bloqua l'épaule dans une machine .
Arrivée en urgence à l'hôpital, le diagnostic fut sans appel: il faut opérer d'urgence.
Branle bas de combat: anesthésie, bloc , 1 heures d'opération, 2 heures en salle de réveil et ..retour à la chambre.
La douleur était lancinante et elle la ressentait fortement , par intermittence, entre deux assoupissement, deux éveils ou deux évanouissements, tellement longs qu'ils pouvaient s'apparenter à un coma.
Dans une semi-vie, ne sachant pas vraiment, ni de manière certaine si elle était morte ou vivante, elle se voyait allongée sur une table , seule au milieu d'une salle vide et immense.
Paniquée , ne sachant dans quelles conditions elle avait trépassée , elle se mit à réciter frénétiquement la chahada..on ne sait jamais...
Tant qu'il y a de la vie , il y de l'espoir..mais ou est la vie ..qu'est-ce que la vie...
N'étant pas très érudite en islam, elle ne savait , se demandait dans quelle station elle était et s'attendait , à tout moment à voir les Mounkir et Nakir.
Mais contre toute attente, elle le vit , lui , Mr tout le monde...vêtu d'une longue cape rouge , les yeux sortant des orbites, aussi effrayant qu'un martien
Elle eut du mal à le reconnaitre parmi ses disciples pareillement accoutrés avec des capes de diverses couleurs .
Parlant un langage qu'elle ne comprenait pas, ils n'en étaient pas mois inquiétant.
Elles se sentait aspirer le cheveux, dépossédée de ses pensées, sans même dire un mot, omettre un son.
S'en suivait une concertation de bouche à oreille entre eux , très cérémoniale, très solennelle.
Et quand il vint la chercher, c'est presque sans énergie et sans vie qu'elle le suivit jusqu'au balcon.
Montez sur la balustrade lui dit-il.
Elle s'exécuta comme une gymnaste , elle qui avait peur du vide et se maintint en équilibre telle une funambule de renom.